L’adoption a une face obscure. Je ne pense pas que vous puissiez le voir depuis l’extérieur, mais cela modifie votre perception des choses. Quand vous invitez l’adoption à entrer dans votre vie, elle en est bouleversée.
Elle s’installe dans votre foyer et votre cœur. L’adoption pose ses valises sur le sol de votre salon, sur le comptoir de votre cuisine, dans la voiture familiale, sur la table de votre salle à manger, et c’est le désordre. Cela vous brisera, vous ruinera, et vous ouvrira les yeux. Et certains jours, je sanglote et souhaite revenir au temps de la cécité et de la naïveté. Mais je sais que ce n’est pas vraiment ce que je veux, et que je ne le peux pas.
Lorsque je me suis rendu en Europe de l’Est pour adopter mon fils, Israël, qui avait été enfermé dans un berceau dans l’aile dédiée aux enfants souffrants de malformations d’un orphelinat de Bulgarie de sa naissance à son adoption, à l’âge de 4 ans, j’ai prié pour que mes yeux soient ouverts, et c’était le cas. Et mon cœur s’est brisé en millions de morceaux, et je ne peux plus passer un jour sans penser que « des enfants meurent ». Je ne peux m’asseoir dans une église et prier, je ne peux déposer mes enfants à l’école ou faire une course dans une supérette sans murmurer « des enfants meurent ».
Je m’assois et j’observe les gens traverser le quotidien avec ses barbecues, ses excursions shopping, et les matchs de football, et je souhaite crier « des enfants meurent ! » Les gens examinent l’adoption de nos enfants et disent « c’est génial », mais ils poursuivent à propos de leurs vies. Et je souhaite hurler, « des enfants meurent ».
Ils voient l’exemple en chair et en os d’Israël et les clichés de l’orphelinat, et ils versent une larme et retournent à leur travail le lundi matin, et je reste assise, murmurant « des enfants meurent », et personne ne m’entend, car s’ils écoutaient réellement ils sauraient et ils pleureraient eux aussi. Au lieu de cela, ils mènent leurs vies, et les enfants, eux, continuent de mourir.
Je souffre souvent de savoir que des enfants finissent leurs jours dans des institutions, des bébés qui ne disposent pas de soins médicaux, et qui apprennent à ne pas pleurer, à ne pas rire et sourire. Des enfants enfermés dans des berceaux, se cognant la tête contre les barreaux pour se consoler, mordant leurs doigts jusqu’à en saigner, se balançant continuellement et suivant un régime à base de liquide.
Je supporte le fardeau de savoir cela et lorsque j’essaie de l’évoquer avec des amis, de la famille, des membres de l’église, ils sourient et changent de sujet de conversation au profit de quelque chose de « bien moins pesant ». Et ce lourd fardeau continue de faire fléchir mes genoux, de rendre mes épaules douloureuses et de me briser le cœur.
J’ai ramené un souvenir vivant, respirant, de ce que j’ai vu en Europe de l’Est, et tous les jours sa présence murmure, « des enfants meurent ».
J’ai ramené :
Rappels quotidiens : il y a un an, je suis sortie d’un avion en Bulgarie et je suis entrée dans un monde où le chagrin et la tristesse sont déchirants. Il y a un an, mes yeux et mon cœur se sont ouverts à un monde bien différent de ma vie de classe moyenne américaine. Il y a un an, je me suis assise dans un orphelinat où il faisait très chaud et où il n’y avait pas d’air, tenant un enfant malodorant, imprégné d’urine et avec les dents brunes. Il y a un an, j’ai perdu ma capacité à fermer les yeux sur un orphelinat qui tenait plus du taudis en Bulgarie.
Il y a un an, j’ai laissé derrière moi des milliers d’orphelins qui ne sont pas moins dignes qu’Israël. Il y a un an, j’ai regardé ma magnifique et confortable vie et j’ai ressenti de la honte et de la peine, et c’est ce jour-là que ma vie a changé. Cette adoption influe sur tous les choix que je fais, sur toutes les décisions que je prends et les étapes que je franchis. Et lorsque j’arrive à retrouver une nouvelle norme, une petite voix murmure « des enfants meurent ».
Je plie le linge et je vais travailler, et je tombe sur le lit tandis que la petite voix chuchote « des enfants meurent », et j’ignore quoi faire. Je suis à genoux et je prie, car je n’ai pas de réponses, et je me sens souvent perdue et impuissante pendant que je suis dans le noir.
Traumatismes : Israël a souffert des pires négligences et douleurs. Chaque jour est influencé par ses traumatismes. Beaucoup de ses décisions sont animées par la peur et la volonté de survivre. Étonnamment, un traumatisme continu modifie la structure et l’activité chimiques du cerveau.
Pendant sa guérison, nous l’avons rapidement vu progresser. Il y a huit mois, nous avons tiré Israël d’un orphelinat et il est passé depuis d’une taille 18/24 mois à une taille 4 ans. Il a commencé à jouer avec des jouets pour bébés, comme des trieurs de formes et des blocs à empiler, et il joue maintenant avec des voitures et des camions, et adore tout ce qui fait de la musique. Il adore l’église, car ils ont un groupe de louange et si un jour ils partent en tournée, il postulera pour être leur machiniste.
Lorsque nous l’avons recueilli il ne connaissait qu’une vingtaine de mots du fait de son manque de sociabilisation, il en connaît désormais des centaines, peut chanter son alphabet et il est inscrit en maternelle.
Israël est mon exemple vivant que j’en ai laissé des milliers derrière moi. Et presque toutes les semaines, une photographie d’un enfant retiré du registre des adoptions parce qu’il est décédé est publiée par un des groupes d’adoption. Et je regarde alors mon fils et je vois son incroyable potentiel, je suis vraiment reconnaissante d’avoir réussi à faire abstraction de moi-même et de l’avoir ramené à la maison.
Négligences : « c’est le pire cas de négligence médicale que je n’ai jamais vu », « les résultats semblent inquiétants » et « je n’ai jamais rien vu de tel », il s’agit juste de quelques-unes des paroles de spécialistes et de médecins que nous avons consultés. Israël était très sous-alimenté, sa colonne vertébrale tentait de traverser sa peau, et pour des raisons de commodité il ne recevait que de la nourriture liquide.
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’Israël n’était pas censé vivre jusqu’à l’âge de 5 ans. En Europe de l’Est, les enfants atteints de tels problèmes meurent avant de devenir un tel fardeau, mais Israël a survécu. Il n’était pas censé vivre avec de tels handicaps et c’est pourquoi il n’était pas traité de manière humaine.
Je sais qu’il est difficile de le rencontrer, de le regarder et de réaliser ce qu’il a traversé, mais s’il vous plaît, faites-le. Passez outre le sourire et le corps robuste, les beaux vêtements et le fauteuil roulant génial. Passez outre ce que l’amour peut réaliser en huit petits mois. Je souhaite que vous voyiez qu’il doit devenir votre rappel quotidien à vous aussi, ce petit garçon porte un message.
Des petits garçons et des petites filles comme lui n’auront pas la chance de voir leurs sixièmes anniversaires. Ils ne seront pas tenus dans les bras d’une mère pendant leurs décès, ils mourront seuls. Et mon Dieu, je pleure en tapant cela, car il faut que vous le regardiez et que vous réalisiez qu’il était condamné à mourir dès sa naissance.
Il a été placé dans un orphelinat après sa naissance aux côtés d’autres enfants et bon nombre de ceux que nous avons laissés derrière nous sont morts, ou ont été transférés. Et cette dernière solution équivaut à la mort, en effet, 85 pour cent de ces enfants décèdent dans l’année qui suit leur transfert dans une institution.
Amour : Israël est né avec une spina-bifida au niveau du thorax, ce qui signifie qu’il n’a pas de sensation en dessous de la taille. Placé dans un orphelin à sa naissance, il a été privé de tout hormis les éléments rudimentaires pour vivre. Il a survécu ainsi et approchait des 4 ans.
Il était atteint de nombreux problèmes médicaux, dont beaucoup qui m’étaient complètement inconnus. J’ai suivi son histoire sur Facebook et à un moment j’ai dû me dire qu’il était mignon et que j’espérais qu’il trouve un foyer aimant.
Mais Dieu a placé son petit visage dans mon cœur, j’ai rêvé de lui et il ne cessait de revenir dans mon fil d’actualité sur Facebook. Nous avons décidé que ce serait une bonne idée de le choisir parmi les millions d’orphelins pour qu’il devienne notre fils. Un enfant qui ne pourra jamais courir, danser et marcher.
Un garçon qui ne sera jamais ce que j’imaginais trouver chez un fils. J’ai choisi un enfant qui n’avait jamais éprouvé la chaleur des rayons de soleil sur son visage, ou le vent dans ses cheveux.
Israël était enfermé dans une chambre et n’avait pas le droit de sortir. Et maintenant, l’enfant que j’ai choisi partage avec moi la beauté du moment. Il m’a appris que l’amour véritable est inconditionnel, et que la personnalité et la vraie beauté ne se trouvent pas à la surface.
Je regarde Israël et la surface n’est qu’une coquille. Son cœur est magnifique, robuste et plein de potentiels. J’ai été si chanceuse de voir un garçon, rendu esclave par les circonstances, se libérer et montrer sa vraie valeur et sa beauté.
Et maintenant, mes journées défilent et je suis déchirée. J’ai choisi un enfant. Choisir signifie que quelqu’un d’autre n’est pas choisi. Et ne pas être choisi signifie que « des enfants meurent ».
La crise des orphelins est notre crise ! Il n’y a jamais assez d’argent, assez de temps, ou un moment parfait pour adopter. Nous devons nous ressaisir et répondre à cet appel. Nous sommes ceux qui sont supposés apporter du soutien, prier, prendre la défense, et ramener ces enfants à la maison.
J’ai besoin que vous regardiez Israël et réalisiez qu’il était un des enfants qui mouraient. Ce n’est pas une cause anonyme. Des enfants meurent… seuls.
Visitez le site internet de la fondation Reece’s Rainbow pour voir les enfants qui attendent, ou pour aider une famille qui cherche à adopter.